Hedwige, Edwige, Edvige

Ben mon colon, j’ai failli confondre Sainte Hedwige¹ avec la sulfureuse Edwige² puis avec le satanique fichier Edvige³ !

Je le dis voirement⁴ ce fichier me mettait les chocottes. Non pas pour moi, qui y suis déjà référencé en tant qu’ancien élu de la République, puis militant syndicaliste, mais pour tous ces gens, jeunes ou vieux, qui n’ont pas payé leur contravention pour avoir contrevenu aux règles du code de la route et qui traîneront cette ‘infamie’ toute leur vie !

Parce que le droit d’oubli, hein, on l’oublie souvent ! Alors, le 16/10/08, à la Sainte Hedwige/Edwige, les anti-Edvige sont descendus dans la rue pour faire reculer cette atteinte à notre liberté car le flicage dans notre bonne démocratie commence à être lourd. Tenez, et je le tiens, d’un parent, lorsque vous allez assister à un meeting politique, à un concert de gens plus ou moins engagés, les inspecteurs des renseignements généraux notent le maximum de plaques minéralogiques des voitures garées à proximité du lieu de rassemblement pour savoir à peu près, certes, mais quand même, qui assiste à la manif !

Et, jusqu’où cela va-t-il se nicher ? Savez-vous pourquoi, à Paris, les militants anti-Navigo⁵ manifestent ? Ils craignent d’être ‘tracés’, ‘étudiés’, ‘fliqués’ car la puce installée dans le ‘pass’ est susceptible de porter atteinte à la vie privée et au profilage des individus à leur insu. Cette dernière recueille  en effet toutes les informations sur les déplacements des usagers, mais la CNIL a donné son accord à la RATP, à condition que ces données ne soient utilisées que pour lutter contre la fraude !

Bon, pour prendre de la hauteur, pour dominer ce sujet du suivi policier de l’individu, je vous propose ici, de faire une petite dictée concoctée par Michel Courot⁶ et qui cadre bien avec le thème de l’édito. Allez, à vos écritoires :

« Le Grand Frère.

Le portable de mon amie avait péri de mort violente. Non qu’il fût usagé, mais elle l’avait jeté, par la vitre ouverte de sa voiture, en visant le massif d’asphodèles d’un rond-point hanté par les gendarmes. Ce n’est que plus tard qu’elle l’avait rappelé par inadvertance ; étrangement, il avait répondu, ayant, prétendait-il, un message à transmettre.

Cependant, chu sur la chaussée, il était subitement devenu muet, écrasé sous les tonnes d’un camion si terne qu’on l’eût à peine remarqué dans le flot tourbillonnant de rutilants poids lourds. Mais son trépas n’était pas passé inaperçu, et déjà un commando de télécoms l’avait repéré et récupéré, avide d’en ausculter la mémoire…

Lorsque , dans le train qui vous emporte vers Genève, ou vers Bruxelles, vous êtes brusquement extraite de votre demi-sommeil par la sonnerie, stridulante ou wagnérienne, de votre mobile, ne soyez pas étonnée : vous venez de franchir la frontière, et l’on vous gratifie d’un ‘bienvenue en Suisse (ou en Belgique)’. Histoire de vous rappeler que l’on vous a immédiatement identifiée. Et quand vous déambulez dans la foule des quidams paraissant soliloquer, la main plaquée contre le temporal, comme victimes d’une  soudaine otalgie⁷, vous vous surprenez à imaginer, s’étirant au-dessus de chacun d’eux, les filandres virtuelles par le canal desquelles leurs logorrhéiques propos, anodins ou confidentiels, sont dûment enregistrés dans les arcanes insoupçonnés d’un inquisitorial réseau.

Mais il y a pis encore : vous vous réjouissez, grâce au GPS⁸ qui équipe votre fiacre, de n’avoir plus à héler le cocher pour l’inviter à suivre les méandres des ruelles qui vous conduisent en quelque endroit secret, vers lequel un fil d’Ariane vous eût jadis guidée. Mais prenez garde si votre époux habite dans les hautes sphères ! Traqué par les antennes et les satellites, le bovarysme⁹ fait partie, de nos jours, des passe-temps périlleux …

Quant à moi, je n’ai pas encore cédé à la psychose du Grand Frère, celui qu’Orwell¹⁰ appelait « Big Brother », et nul diktat ne m’enjoint de brancher ma webcam sur la Toile. Ne cherchez pas mon blog(ue), vous n’y trouveriez qu’odes, rondeaux et ballades susurrés en italique. Foin du GP, s’il ne m’aide pas, malheureux candidat, à localiser la place de l’y dans un parterre d’amaryllis, ou dans un triptyque flamand peint par Van Eyck, ni celle de l’h dans une fleur de rhétorique. Et si j’admire les vues aériennes, rapprochées à zoom que veux-tu, qu’Internet nous dispense, j’y déplore l’absence de ces isohypses¹¹ ouvragées dont les arabesques ornaient nos cartes géographiques. Et puis … vous pouvez y découvrir votre home, et celui de vos pairs.

Mais qui vous dit qu’un moderne Asmodée¹² n’en a pas déjà soulevé le toit, pour y surprendre vos ébats ? »

Alors, combien de fôtes ??? Peu importe, le principal est de participer et d’ailleurs, à ce propos n’oubliez pas de participer aux élections prud’homales du 3 décembre prochain et ne faites pas de faute, votez bien, votez utile, votez SICTAME, votez pour l’UNSA !

A suivre.