Je vous le dis, c’est un phénomène mondial, les femmes ont présentement le vent en poupe ! En de nombreux pays elles accèdent aux marches les plus hautes de la société, mais il paraît que ce qui favorise cette accession c’est que les politiques mâles, de tous bords, laissent volontairement les électeurs dans le noir absolu, eu égard à la question de fond qui est une « question interdite ».
Aussi, n’étant pas nyctalope, j’ai fait appel à quelques sommités pour essayer d’y voir clair.
Les déclarations fracassantes de l’anthropologue et essayiste Emmanuel Todd et celles, toutes proportions gardées, de l’économiste Jean-Paul Fitoussi (qui en 1995 dénonçait la politique monétaire dévastatrice du franc fort et du taux d’intérêt élevé) évoquent en fait un « débat interdit » ou une « question interdite ».
De quoi s’agit-il ?
Pour E. Todd, les Français sentent très bien que le vrai sujet à débattre très prochainement est celui de la mondialisation, du libre échange intégral et de ses effets destructeurs sur les sociétés européennes : accroissement des inégalités, flambée du chômage, laminage des classes moyennes (après celui des classes populaires), toutes souffrances collectives qui paraissent découler de cette ouverture à tous vents d’une Europe qui voit ses industries et son tissu social irrésistiblement détruits par la concurrence venue du dehors. En s’accrochant religieusement au dogme du libre échange, les élites politiques et le patronat seraient en train de perdre la confiance des électeurs et des travailleurs qui, par ailleurs, ne comprennent pas que cette question décisive ne soit jamais abordée publiquement ! Car c’est leur avenir et celui de leurs enfants qui est en jeu !
Pour E. Todd, il faudra tôt ou tard en revenir à un protectionnisme minimal conçu à l’échelle européenne. C’est ce qu’on appelait jadis la « préférence communautaire » et qui faisait partie intégrante du projet européen. Après tout, un marché de 400 millions de consommateurs (dont quelques 20 millions de retraités) peut fort bien se protéger, comme le font les Etats-Unis, sans que le dynamisme de l’économie libérale s’en trouve affecté2 ! Or la chose paraît désormais impossible à envisager tant les partis dits de gouvernement ont fait du libre échange un article de foi, alors que les électeurs sentent très bien qu’il y a là une forme d’hypocrisie.
Certes, il y a dans ces remarques de Todd, une dose indéniable de provocation, il est coutumier du fait ! Mais quand même, nous assistons en direct à un décrochage progressif des classes moyennes, lesquelles découvrent à leur tour la précarisation.
Alors faut-il s’agripper au dogme du libre-échange qui veut que chaque pays soit invité à exceller dans les seules activités où il est le mieux placé ? Il y a fort à parier que les états continents (Inde, Chine) ne joueront pas ce jeu, qui est totalement absurde pour eux.
Et côté des pétroliers, comment appréhende-t-on cette question interdite, quand on sait que les 5 majors ne se partagent que 13 % des réserves mondiales, tout le reste dépendant des compagnies d’état (du vrai protectionnisme !) ?
Alors ? Parions que tôt ou tard, la « question interdite » cessera de l’être et que ces dames de tête, programmées3 pour monter, monter, monter, se départiront des barrissements des pachydermes des partis pour nous éclairer sur notre avenir et notre devenir.
1 Édito inspiré par Jean Claude Guillebaud, Sud Ouest du 19/11/06
2 « L’avenir d’une exception » de Haki el Karoui (ancien collaborateur de JP.Raffarin)
3 Remarquez que même sans tête, nos femmes, soeurs, consoeurs … sont, quoiqu’il arrive, programmées pour atteindre le but. J’illustrerai ce propos en évoquant Quitterie, fille de sang royal Wisigoth qui, devant épouser un prince Arien, avoua, qu’élevée dans la foi romaine, elle avait dédié sa virginité à son Dieu. Sur ordre de son père, le prétendant trancha la tête de la vierge. Celle-ci la ramassa au sol et la porta sur environ 200 mètres jusqu’à atteindre l’oratoire de Saint-Pierre à Aire sur l’Adour.