1968-2008

La grève !

La Sorbonne est évacuée par les forces de l’ordre le vendredi 3 mai.

Les étudiants palois répartis entre un collège littéraire universitaire, un collège scientifique et un institut de droit se mobilisent le 6 mai et entrent en grève le 13 mai au moment où toute la France se met en grève.

Toute ? Non pas toute !

Les responsables syndicaux de Lacq envisagent une grève le vendredi 17 mai. En fin de journée, le préfet convie les représentants du personnel et un protocole d’accord est signé à 22h30. La grève de Lacq n’aura pas lieu !

Dans le privé, sur le Bassin de Lacq, seul Azolacq (200 salaries) est en grève.

Le 29 mai le personnel palois de la SNPA rentre en grève et l’Usine de Lacq suit, le mouvement de grève atteint son sommet dans la région à la seule exception de Turboméca.

En juin 1968, Pau est l’un des rares centres sinon le seul à organiser des examens et en novembre 1968 le collège littéraire universitaire et le collège scientifique sont transformés en facultés autonomes et la construction de la fac démarre en fin d’année ; le Droit suivra un an plus tard.

Le mouvement de grève débuté le 9 mai par la grève et l’occupation de l’usine Wisco à Givet (Ardennes), se poursuit le 11 mai par la grève des 500 métallos de l’usine Claas de Woipy (Moselle) et s’intensifie le 15 mai par l’occupation de l’usine Renault de Créon ‘Seine maritime) s’étend à tous le pays. La grève touche les secteurs, SNCF, PTT (sauf téléphone et télégramme), les industries sidérurgiques, métallurgiques, produits chimiques, transports urbains (sauf les ambulances), la Sécurité Sociale, les Allocations familiales, les Assurances, les services municipaux, les douaniers, les éclusiers, les laboratoires pharmaceutiques, les centrales nucléaires , les remorqueurs, les officiers de marine et les marins de ma marchande, pas de cotations en Bourse, tirage de la Loterie Nationale reporté, etc.

Pas de grève dans les banques (du moins la situation n’était pas clair) ni dans la Police et l’Armée.

Qui se souvient des accords de Grenelle ?

En voici quelques grandes lignes :

Cela débouche notamment sur la loi du 27/12/1968 qui crée, en application des accords de Grenelle du 27 mai, la Section Syndicale d’Entreprise (SSE), qui tient encore debout aujourd’hui pour représenter 5% des salariés du privé et 8% des salariés du public !

• Hausse du SMIG (G pour garanti) de 10 à 35%, il passe à 600F/mois,

• Augmentation générale des salaires de 10%,

• Obtention de la quatrième semaine de CP,

• Reconnaissance de la section d’entreprise. Celle-ci, met des locaux avec téléphone et télex a la disposition des syndicats et leur attribue une dotation pour les fournitures de bureaux, les frais de des PTT et les photocopies,

• Réduction du temps de travail à 40 heures par semaine (48 heures à la SNPA en 1965),

• Intégration des primes dans les salaires,

• Suppression des discriminations touchant à l’âge ou au sexe (en 2008, ce n’est pas encore gagné),

• Indemnisation des jours de grève (pour les grèves de 1968 car après, cela a bien changé),

• Sécurité de l’emploi et de la formation,

• Etc.

Qui se souvient de ces slogans qui couvraient les murs de nos villes ?

En voici quelques-uns :

Les slogans et/ou graffitis ‘cultes’ furent sans doute :

• Il est interdit d’interdire (au départ, simple boutade de Jean Yanne).

• Les murs ont la parole.

• Sous les pavés, la plage (lors de l’érection des barricades, sous le macadam apparut l’ancien pavement de Paris, et sous les pavés – utilisés de la façon dont on sait – le lit de sable sur lequel ils étaient posés).

• Je crie et j’écris.

• Métro, boulot, dodo.

• La barricade ferme la rue mais ouvre la voie.

Au niveau du socio-culturel :

Les vieilles règles explosent notons seulement ici que le concept d’autogestion fait place à celui de cogestion cher à Edgar Faure pour mettre en place sa réforme de l’enseignement. Apparaissent aussi dans le langage courant les termes de gauchistes (crée par Lénine en 1920), de ‘gauche-droite’ et les livres ‘L’archipel du Goulag’ et ‘Le cri des pierres’ font un tabac.

• L’imagination prend le pouvoir. [Imagination n’est pas don mais par excellence objet de conquête (Breton)].

• Je prends mes désirs pour des réalités car je crois en la réalité de mes désirs.

• Vivre sans temps morts et jouir sans entraves.

• L’ennui est contre révolutionnaire.

• Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires.

• Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend.

• Je suis venu. J’ai vu. J’ai cru.

• L’homme n’est ni le bon sauvage de Rousseau ni le pervers de l’église et de la Rochefoucauld. Il est violent quand on l’opprime, il est doux quand il est libre.

Au niveau de la libération sexuelle :

Sur ce point, les choses avaient commencées avec la loi Neuwirth du 29/12/1967 qui légalisait la contraception et il faudra attendre la loi du 17/01/1975 pour l’IVG. Il faut dire que l’encyclique Humanae vitae de Juillet 1968 n’a pas aidé sur ce point.

• Sexe : C’est bien, a dit Mao, mais pas trop souvent.

• Les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir de vivre sans réserve.

• Embrasse to amour sans lâcher ton fusil.

• Camarades, l’amour se fait aussi à Sciences Po, pas seulement aux champs.

• Les jeunes font l’amour, les vieux des gestes obscènes.

• Make love, not war.

Au niveau des syndicats :

• Travailleur, tu as 25 ans mais ton syndicat est de l’autre siècle.

• On ne peut plus dormir tranquillement dès qu’on s’est subitement ouvert les yeux.

Au niveau des scolaires :

De disciple, l’élève devient un sujet pouvant intervenir dans la pédagogie dont il est l’objet, c’est la coéducation.

• Sorbonne, rue des Ecoles, école majeure de la rue.

• Un bon maître, nous en aurons un dès que chacun sera le sien.

• Nous refusons d’être H.L.Misés, diplômes, recensés, endoctrinés, sarcellisés, sermonnés, matraqués, télémanipulés, gazés, fichés.

• Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette.

• Debout les damnés de l’Université.

• Professeurs, vous nous faîtes vieillir. Vous êtres aussi vieux que votre culture, votre modernisme n’est que la modernisation de la police.

• Ouvrons les portes des asiles, des prisons, et autres Facultés.

Au niveau économique et social :

• mise en place des idées de mai 1968 lorsque en 1973, le conflit chez LIP débouche sur la cogestion de l’entreprise,

• remise en cause de l’autorité militaire et de la force de frappe nucléaire, montée des mouvements écologiques, anti-militariste (lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac), émergence des ONG telle ‘Médecins sans frontières’, etc.

• A bas la société spectaculaire marchande »

• Pas de replâtrage, la structure est pourrie.

• Soyez réalistes, demandez l’impossible.

• Le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui.

• Depuis 1936, j’ai lutté pour les augmentations de salaires. Mon père avant moi a lutté pour les augmentations de salaire. Maintenant j’ai une télé, un frigo, une Volkswagen. Et cependant j’ai toujours vécu la vie d’un c… Ne négociez pas avec les patrons. Abolissez les.

• L’âge d’or était l’âge où l’or ne régnait pas. Le veau d’or est toujours de boue.

• Ne changeons pas d’employeurs, changeons l’emploi de la vie.

• Quand le dernier des sociologues aura été pendu avec les tripes du dernier bureaucrate, aurons-nous encore des problèmes ? (il existe une version en changeant sociologues par capitaliste).

• La marchandise est l’opium du peuple.

Au niveau politique :

• Charlot ! Nous ne sommes plus des veaux. Nous ne sommes plus dévots devant mon général.

• Si vous ne voulez pas de pépins, évitez le noyautage.

• Il faut du rouge pour sortir du noir.

• Quand l’Assemblée nationale devient un théâtre bourgeois, tous les théâtres bourgeois doivent devenir des assemblées nationales (à l’entrée de l’Odéon).

• Dans la révolution, il y a deux sortes de gens : ceux qui la font, et ceux qui en profitent. (Napoléon Bonaparte).

• Tout pouvoir abuse. Le pouvoir absolu abuse absolument.

• La politique se passe dans la rue.

• Veuillez laisser le parti communiste aussi net en sortant que vous voudriez le trouver en y entrant.

• Osons ! Ce mot renferme toute la politique de cette heure (Saint Just).

Au niveau des forces de l’ordre :

• CRS = SS.

• Les CRS sont aussi des hommes, la preuve, ils violent les filles dans les commissariats.

• Si besoin était de recourir à la force, ne restez pas au milieu.

• Le combat est père de toute chose (Héraclite).

Au niveau de l’information :

• ORTF : la Police vous parle tous les soirs à 20heures.

• Ecrivez partout.

• Je ne sais pas écrire mais j’aimerai en dire de belles choses et je ne sais pas.

• Toi, mon camarade, toi que j’ignorais derrière les turbulences, toi jugulé, apeuré, asphyxié, viens, parle avec nous.

Des centaines de milliers de grévistes et moi, et moi ?

J’y étais, dans l’insouciance de ma jeunesse, faisant fi des restrictions d’essence et de la pénurie alimentaire car « Etre libre en 1968, c’est participer », mais que d’espoir car « l’avenir ne contiendra que ce que nous y mettrons maintenant » !

Et l’avenir ?

Que pense la jeunesse d’aujourd’hui des poilus de mai 68, aujourd’hui que le monde a changé et que les urgences sont autres ? Sans doute devraient-ils faire preuve d’un peu plus d’insolence pour bâtir le monde d’aujourd’hui !

A suivre …

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