1917 : Georges Clemenceau envoie un télégramme pressant au président Wilson :
“Si les alliés ne veulent pas perdre la guerre, il faut que la France combattante, à l’heure du suprême choc germanique, possède l’essence aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain !”
En effet, depuis la découverte de la “fontaine à poix” de Pechelbronn en 1498 et sa mise en exploitation en 1735, la France ne possède aucun gisement pétrolifère sur son sol et ne dépend, pour son énergie, que des importations d’huiles étrangères même si, en 1937, la moitié des importations pétrolières françaises se fait sous pavillon français, notamment avec le pétrolier “Emile Miguet”, le plus gros bateau pétrolier du moment (220.000 tonnes) et la France possède 14 raffineries sur son sol mais, la France n’a toujours pas de ressources trouvées sur le territoire métropolitain aussi.
1920 : Après la guerre, par le traité de San Remo, la France obtient une participation de 25% dans le capital de la Turkish Pétroleum Company.
1924 : C’est la grande peur de la pénurie, ressentie par Clémenceau pendant la première guerre mondiale, qui réveillera la France.
A la suite des accords de San Remo, Raymond Poincaré, président du Conseil de la IIIème République, décide de constituer une compagnie pétrolière française et indépendante. Il crée, le 24 mars, la C.F.P (Compagnie Française des Pétroles).
La C.F.P., qui détient 25% de participation dans la Turkish Pétroleum Compagnie, la Royal Deutch Shell, la Standard Oil New Jersey, Mobil et Gulbenkian, est, en quelque sorte, l’ancêtre de la compagnie TOTAL.
Cette même année, c’est la découverte dans l’Hérault, près de Béziers, du minuscule gisement d’huile de Gabian.
1925 : Création de l’O.N.C.L. (Office National des Combustibles Liquides) avec à sa tête, Louis Pineau. L’office forera, entre 1926 et 1932, 14 forages, de profondeurs modestes, à travers l’Aquitaine.
1926 : Création à Pechelbronn de la première école de maîtres-sondeurs.
1928 : La société Pechelbronn SAEM lance la marque ANTAR (ANTAR qui sera absorbée, beaucoup plus tard par Elf Aquitaine).
1929 : Création de la C.F.R. (Compagnie Française de Raffinage) et création de l’Irak Petroleum Compagny à la place de la Turkish Petroleum Compagny.
1936 : De nombreuses recherches ont été effectuées, avec des résultats décevants. La raison est simple : des travaux menés en ordre dispersé avec des moyens matériels, scientifiques et financiers trop faibles. Les forages à grandes profondeurs (3.000 à 4.000 mètres), nécessitant des investissements très importants, l’Etat décide en 1936, d’intervenir directement dans la gestion des recherches sur le sol national.
“ La prospection du territoire national ne semble pas à la mesure des ambitions des pétroliers de l’époque. Ils ont au demeurant assez à faire au Caucase, au Texas, en Mésopotamie et en Indonésie.
Alors, au début des années trente, quelques hauts fonctionnaires eurent une idée ingénieuse : confier à des petits «syndicats de recherche’ crées pour l’occasion et financés sur fonds publics, le soin de prospecter la France et ce sera la naissance du C.R.P.M. (Centre de Recherche du Pétrole du Midi)”.
Devant l’échec des entreprises privées, ayant foré à l’ouest du méridien d’Orthez, Paul Ramadier, Sous-secrétaire d’Etat au Ministère des Travaux Publics et de la Défense Nationale charge Louis Pineau, Directeur de l’Office National des Combustibles Liquides (O.N.C.L.) de prendre en main les recherches de pétrole en France.
- un service spécial des Recherches de Pétrole en France est créé avec à sa tête J.H de Vries,
- une commission de géologues, présidée par Charles Jacob, membre de l’institut, se voit confier le soin de retenir les régions susceptibles de bénéficier des premiers sondages à grande profondeur. Autre «apôtre’ des recherches de pétrole au Nord des Pyrénées, Léon Bertrand en fait partie ainsi que Louis Barrabé et D. Schneegans. Elle porta son choix sur le Languedoc et sur les Petites Pyrénées.
1937 : Le Syndicat des Recherches de Pétrole en France, sous la dénomination de C.R.P.M. met en route deux appareils de forage «Rotary’ : l’un à 25 km au nord de Montpellier au Pic Saint Loup non loin du village de Montpezat, l’autre aux environs de Saint-Marcet au lieu dit Pinat.
1938 : Le premier forage, au Pic Saint-Loup, est sec.
1939 : Le deuxième forage dans les Petites Pyrénées, installé sur l’anticlinal d’Aulon, Latoue, Saint-Marcet, sur la colline du “Pinat”, au lieu-dit Esquillan, sur la commune de Latoue, débute, le 20 janvier.
Et, dans la nuit du 13 au 14 juillet, la sonde est à -1.500 mètres lorsque le gaz jaillit. Le sifflement du gaz a été entendu à plus de 4 km. A plus de 100 m, le souffle a fait frissonner les feuillages. Heureusement qu’en 1939, les pétroliers tels le géologue Renoir, le chef de chantier Guillot, le contremaître Susini et les 40 ouvriers spécialisés, savaient maîtriser une éruption contrairement à 1924 où on ne savait qu’abandonner le puits. Pour refouler l’éruption, une boue épaisse est injectée afin d’exercer une pression de 180 kg/cm2 au fond du puits. Le débit de gaz est de l’ordre de 180.000 m3/jour et la pression de 150 kg/cm2 en tête de puits.
L’installation totale aura coûté environ 8.000.000 de francs d’après le journal “La Garonne”
Le Gisement de Gaz naturel de Saint-Marcet est découvert !
Ce puits, bien que situé sur la commune de Latoue, sera nommé “Saint-Marcet 1” (SM1) et baptisé du nom du président du C.R.P.M. : “Louis Pineau”.
Que trouve-t-on dans la presse d’alors?
Le Journal de Saint-Gaudens (Ph. de Latour) relate : “Et c’est justement à Latoue, au voisinage du lieu-dit Esquillan, que jaillit au ciel la superbe flamme le 14 juillet 1939. Branle-bas général : le premier concerné est le député du secteur, Hyppolite Ducos, radical socialiste bien connu. A Aulon et à Latoue les deux maires sont socialistes. Officiellement, le député radical-socialiste ne peut aisément se rendre en fief socialiste, d’autant qu’à Saint-Marcet le maire est de sa propre famille politique. C’est donc là que le député se rendra. Ainsi fut dénommé ce gaz, selon les rumeurs, ou, comme on voudra, les «ragots’ locaux … qui font aussi partie de la petite histoire”.
La Garonne du 19 juillet 1939 (M.Dupeyrat) : Depuis six mois des forages étaient faits en secret entre Saint-Marcet et Aulon. Mais la nouvelle filtrait début juillet : une couche de gaz hydrocarburée venait d’être découverte. Une sonde “Rotary” a traversé en six mois 1.500 m de marne grise et 50 m d’une roche plus dure. L’appareil de forage a huit vitesses et la tour de forage (derrick) mesure 47,50m de hauteur.
Actuellement le sondage est gardé par la gendarmerie qui en interdit l’accès !
Quotidien de Paris du 17 août 1939 : Deux moteurs diesel de 250HP à 600 tours animent les pompes et le trépan. Le trou qui a fait éruption le 13 juillet a été bouché et le gaz ne s’échappe plus. Commandés aux U.S.A, ces appareils étaient des “Rotary” avec table de rotation entraînant le train de tiges et le trépan car en France, on forait encore avec des appareils par battage (chocs propagés à travers un câble sur l’outil au fond du trou).
La Dépêche du 28 avril 1940 : A cette date, Louis Pineau était directeur de l’Office National des Combustibles Liquides (O.N.C.L.), Charles Bihoreau était directeur des Services Techniques. Est créé ensuite un Centre de Recherche de Pétrole en France dirigé par Jean de Vries qui prend comme collaborateurs Bernadac, Guillot et les géologues Pérébaskine et Renouard.
A la suite de cette découverte :
- concentration de toute l’activité du C.R.P.M. au nord de Saint-Marcet et arrivée d’autres appareils de forage provenant d’Alsace, de Tunisie, du Maroc et des U.S.A.,
- parution du décret loi du 29 juillet qui crée un établissement public en vue de toutes opérations de recherches et de l’exploitation provisoire du pétrole sur le territoire métropolitain dans des périmètres définis par Décret : c’est la Régie Métropolitaine des Pétroles qui à la disparition du C.R.P.M. deviendra en 1941, la R.A.P. (Régie Autonome des Pétroles).
- parution du décret du 24 août qui délimite un périmètre ayant pour sommets : Lannemezan, Mirande, Le Fossat, Montesquieu-Avantès, à l’intérieur duquel la Régie est chargée de faire des recherches et de l’exploitation du pétrole. Ce périmètre, d’une surface voisine de 245.000 hectares, englobe la plupart des structures anticlinales connues au nord des Pyrénées centrales.
1940 : L’O.N.C.L. devient la Direction des Carburants (D.I.C.A.)
1941 : La décision est prise de mettre le Gisement de Saint-Marcet en exploitation
- le décret loi du 12 avril 1941 crée la R.A.P. (Régie Autonome des Pétroles) avec Pierre Angot à sa tête.
Naissance de la R.A.P.
- la loi du 18 juillet réserve à l’Etat un vaste périmétre qui coiffe tout le Bassin aquitain. Ses limites passaient par Bayonne-Mimizan-Agen-Albi-Quillan-Foix-Pau et jouxtaient le périmètre de la Régie.
- le 11 novembre 1941, création de la S.N.P.A. (Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine). C’est un établissement mixte dans lequel l’Etat est majoritaire à 55% et les 45% restants sont détenus par les actionnaires dont le principal est l’O.N.I.A. (Office National de l’Azote). Pierre Angot prend la tête de la S.N.P.A ; il est donc Président de la R.A.P. et de la S.N.P.A., s’adjoint Ernest Mercier, premier président de la C.F.P., également Directeur général de la R.A.P. et installe ses bureaux à Toulouse.
1944 : La loi du 5 juin institue une nouvelle société d’économie mixte avec participation majoritaire de l’Etat (55%), la S.N.P.L.M. (Société Nationale des Pétroles du Languedoc Méditerranéen) qui fait suite à la société privée créée en 1941 par Pechelbronn, la S.R.E.M.I. (Société d’Exploitations Minières et Industrielles). Cette société a un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures à l’intérieur d’un périmètre de 830.000 hectares délimité par des droites joignant Grau-du-Roi, Redessan, Remoulins, Barjac, Alès, Lodève, Bédarieux, Saint-Chinian, Lézignan-Corbières, La Nouvelle.
Ainsi, trois sociétés d’Etat, la R.A.P., la S.N.P.A. et la S.N.P.L.M. sont chargées des recherches de pétrole dans la partie la plus intéressante du sud de notre pays.
Evalué en kilomètres carrés, le domaine de la R.A.P. parait singulièrement restreint si on le compare à celui des deux autres sociétés. Il n’en représente pas moins, en raison des résultats obtenus, une valeur actuelle infiniment supérieure !
1945 : Après la Libération, le Général de Gaulle sait que, pas plus que la guerre, la paix ne peut se gagner sans pétrole. Il met en place, le 14 août 1945, le Comité Supérieur des Carburants qui créera le 6 septembre le B.R.P. (Bureau de Recherche du Pétrole) qu’il charge de relancer l’exploration pétrolière à l’échelle mondiale “ dans l’intérêt exclusif de la nation”.
Avec à sa tête Pierre Guillaumat, la mission du B.R.P. était de promouvoir l’exploration pétrolière en Métropole et Outre-mer.
Pierre Guillaumat prend comme adjoint Paul Moch qui deviendra Président de la R.A.P.
Avec la R.A.P., la S.N.P.A., la S.N.P.L.M. et le B.R.P., les ancêtres d’Elf Aquitaine sont nés.
Création, la même année de S.N.G.S.O. (Société Nationale des Gaz du Sud Ouest) qui transportera le gaz naturel de la R.A.P. et plus tard, celui de la S.N.P.A.
1949 : Découverte, à -625m, du pétrole brut à Lacq (Lacq supérieur).
1951 : Le 19 décembre, découverte du gisement de gaz de Lacq à -3.150 mètres (Lacq profond) dont les réserves étaient estimées à 260 milliards de m3.
1954 : Apparition de la marque TOTAL.
1965 : Le 15 novembre, compte tenu de la réorganisation des entreprises pétrolières nationales annoncée par le Ministère (décret du 17 décembre, prenant acte au 1er janvier 1966), naissance de l’E.R.A.P. par fusion de la R.A.P. et du B.R.P.
1967 : Le 27 avril, lancement de la marque ELF.
1974 : Fusion de ELF / ANTAR
1976 : Rapprochement E.R.A.P. et S.N.PA. qui donne deux sociétés : la S.N.E.A.
(Société Nationale Elf Aquitaine) et la S.N.E.A. (P) pour l’exploration.
1985 : La C.F.P devient TOTAL- C.F.P.
1988 : Saint-Marcet est épuisé … il a beaucoup donné !
Il a joué un rôle capital dans le Comminges et, il est, le maillon essentiel de l’aventure pétrolière en France.
Saluons sa contribution à la remise en route de l’économie française, profondément affectée par 5 années de guerre, ensuite et surtout ce premier succès de la recherche pétrolière dans le Sud-Ouest eut pour résultat d’accélérer le développement de l’exploration dans cette région qui devait se traduire les années suivantes par une série de brillantes découvertes au premier rang desquelles celle de Lacq.
Il a été le point de départ d’une vocation pétrolière de Boussens.
1991 : TOTAL-CFP devient TOTAL.
2000 : Rapprochement des deux sociétés Elf Aquitaine et Total Fina pour former TotalFinaElf
puis TOTAL.