Voltaire : « Tout est bien »

Ce n’était peut-être pas un tsunami syndical, c’était quand même une forte vague de contestations provoquée par la mise en application de réformes anti-sociales. D’ailleurs aujourd’hui quand le gouvernement et le Medef parlent de réformes, ils parlent en fait de ‘recul social’ de ‘régression sociale’. C’est une déferlante anti-sociale et ses victimes sont de plus en plus nombreuses dans notre pays … allez faire un tour du côté des restos du cœur ou  du côté de telle croix ou de tel croissant salvateurs ou tout simplement dans le métro parisien !

« Tout est bien » nous serinent ces dirigeants qui ne cessent de donner de l’énergie à la vague ultra-libérale qui écrase la majorité des acquis sociaux ! L’application de la réforme de l’Assurance maladie qui va conduire à un reste à charge de 1€ pour chaque acte médical (sauf cas particuliers); l’adoption en catimini d’un amendement qui modifie le code des pensions pour écarter tous les pères qui espéraient une anticipation de retraite en reconnaissance de leur boulot de géniteur; la remise en cause éhontée des 35 heures jugée ‘avancée sociale’ par le plus haut personnage de l’état et torpillée par ses spadassins; la réforme inique de l’école voulue par un idéologue néo-libéral qui la détourne de sa mission originelle d’enseignement en la transformant  en centre de profit et plus généralement la dévalorisation de l’ensemble des fonctionnaires, etc.

Et rien ne les arrête, ni nos usines qui foutent le camp pour des pays où le critère d’employabilité idéal se rapproche de l’esclavage ; ni le ridicule de certains sigles comme celui lié à la réforme de l’administration territoriale de l’état : RATE (faut oser quand même)!

Et la fève dans la couronne ( attention aux implants, ils étaient mieux remboursés par la MEAP !), c’est l’augmentation de la CSG calculée, pour les actifs, sur 97% des sommes perçues (95% avant) et augmentée pour les inactifs via le taux qui croît de 6.2 à 6.6%.

Mais « Tout est bien » ! Et pourtant l’injustice prend de l’importance dans ce pays, il n’y a qu’à lire les banderoles des manifestants.

Paradoxe ! C’est que l’injustice subie est secourue avec beaucoup plus de spontanéité lorsqu’elle est sans cause humaine. Les catastrophes naturelles sont relativement exceptionnelles et font souffrir numériquement beaucoup moins que les catastrophes politiques et économiques d’origine humaine (malgré certains scores élevés constatés récemment).

Aussi, en ce lendemain de tsunami, le  ‘Poème sur le désastre de Lisbonne’ écrit par Voltaire est malheureusement d’actualité, il suffit de changer le nom de Lisbonne.

En voici la préface :

«  Si jamais la question du mal physique a mérité l’attention de tous les hommes, c’est dans ces événements funestes qui nous rappellent à la contemplation de notre faible nature, comme les pestes générales qui ont enlevé le quart des hommes dans le monde connu, le tremblement de terre qui engloutit quatre cent mille personnes à la Chine en 1699, celui de Lima et de Collao, et en dernier lieu celui du Portugal et du royaume de Fez.

L’axiome « Tout est bien » paraît un peu étrange à ceux qui sont les témoins de ces désastres. Tout est arrangé, tout est ordonné, sans doute par la Providence ; mais il n’est que trop sensible que tout, depuis trop longtemps , n’est pas arrangé pour notre bien-être. »

et quelques  extraits du poème :

« ‘Tout est bien’ […]

Accourez, contemplez ces ruines affreuses,

Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ; »

«  […]

Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,

Au spectacle effrayant de leur cendres fumantes,

Direz-vous : ‘ C’est l’effet des éternelles lois

Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix’ ?

Direz-vous en voyant cet amas de victimes :

‘Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes’ ?

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?

Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices

Que Londres, que Paris plongés dans les délices ?

Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris. »

«  […]

Les tristes habitants de ces bords désolés

Dans l’horreur des tourments seraient-ils consolés

Si quelqu’un leur disait :’Tombez, mourez tranquilles ;

Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles.

D’autres mains vont bâtir vos palais embrasés

D’autres peuples naîtront dans vos murs écrasés ;

Le Nord va s’enrichir de vos pertes fatales

Tous vos maux sont un bien dans les lois générales

Dieu vous voit du même œil que les vils vermisseaux

Dont vous serez la proie au fond de vos tombeaux ?

A des infortunés quel horrible langage !

Cruels, à mes douleurs n’ajoutez point l’outrage.

Non, ne présentez plus à mon cœur agité

Ces immuables lois de la nécessité

Cette chaîne des corps, des esprits, et des mondes.

O rêves des savants ! ô chimères profondes. »

« Tout est bien » ! Qu’en pensez-vous, chers lecteurs ?.

Fin

JCB.

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