TOTAL attitude.

Suivant l’expression favorite d’un DRH1 que j’ai connu et pour qui j’ai gardé de l’estime (oui, ça arrive !), je suis « surleculté» à la lecture de la presse régionale2 du week-end.

Jugez « La boulimie de quelque D.B (S.G) ou de C.de.M (Total), pour ne citer que ces deux-là, rejaillit donc injustement sur l’ensemble de la profession d’entrepreneur ».

J’ai du mal à y croire ! Boulimie ?

Quoiqu’il en soit :

-dans le cas de la S.G, malgré le naufrage, la banque annonce benoîtement qu’il lui reste

des bénéfices substantiels dans son bilan ce qui justifie ce qui est dit précédemment,

-dans le cas du second, les bénéfices y sont et c’est tant mieux,

Mais,  dans l’un et l’autre cas, ces bénéfices sont une insulte aux salariés actifs, aux salariés licenciés et aux retraités ordinaires.

Imaginez quand même ce que pensent nos 555 collègues qui doivent être poussés vers une retraite anticipée alors que leur Société vient d’annoncer 13.9 milliards d’euros de bénéfices?

D’après le Premier Ministre, l’Erika, AZF et les licenciements, c’est juste un problème de communication ! J’ose espérer que la ‘Com’ ne se fendra pas d’une missive du style « Dans le cadre de la réorganisation de notre société et de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi … nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement … »3.

D’après le Directeur général, qui répond à des journalistes4, le discours n’est pas le même :

«- je suis payé pour prendre des décisions rationnelles et le faire savoir,

-les Français ne sont pas des imbéciles, ils savent qu’au fond nous faisons de la bonne gestion, que nous affrontons au mieux la crise,

-TOTAL est une société française qui n’est plus assez proche de la France ; nous avons besoin de la France, nous devons être bien en France,

-TOTAL est une très belle boîte, nous assumons ce que nous faisons, sommes responsables partout où nous allons, y compris en France,

-nous sommes des gens normaux et en avons assez de nous faire traiter de n’importe quoi ! »

Si ce n’est pas de la Total attitude, c’est quoi est-ce, dis donc … ?

Revenons un instant sur l’argent.

Certains libéraux disent : « Que si on aime le droit et, la liberté qui gagne du terrain sur la loi de la jungle, il faut aimer l’argent. Non pas, pour son accumulation névrotique ou psychotique, ni pour  le fantasme de domination que donne la fortune, mais parce qu’il est une merveilleuse et pacifique convention, qui permet à la diversité humaine de cohabiter. Certes, elle cohabite mal, et la barbarie cogne toujours à la porte  mais, la reconnaissance commune du prix des choses est un élément de concorde et d’équilibre. Par exemple, l’eau devenant rare, un prix unique de l’eau, c’est peut être le premier pas vers l’évitement de guerres que son absence de prix déclencherait sans aucun doute »5.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en guerre, heureusement, mais nous sommes en crise alors que,  dans nos sociétés, les choses ont un prix !

Alors, d’où vient-elle, cette crise ?

La mise au point de modèles mathématiques de plus en plus pointus a permis la création de produits sophistiqués. La titrisation des créances inscrites à l’actif des banques permettait de rendre liquides des éléments qui ne le sont pas. Cela permet d’économiser des fonds propres et de respecter facilement le fameux le fameux ratio de solvabilité des banques (tiers-one). Ce faisant, on oublie le risque, on déconnecte la Finance de l’Economie réelle (Avascope n°58).

La violente crise économique d’aujourd’hui est donc due au décrochage entre les choses et leur prix. Une part de jungle est entrée dans ce monde que l’on croyait policé.

La crise viendrait  donc parce qu’on prélève sans rien en échange !

Aussi, je me demande s’il ne faudrait revenir à l’idée du législateur Joseph Caillaux, qui, en 1914,  fît voter l’impôt progressif sur le revenu.

Pourquoi ? Parce que, nous sommes tous concernés par le projet commun d’un territoire équipé, sécurisé où s’exercent nos libertés. Le pays dans lequel nous vivons n’est pas gratuit, nous en sommes responsables et nous devons, nous tous, collectivement, participer à son essor et à son bien être.

Soyons citoyens, rendons des comptes, rendons nos stock-options et nos parachutes dorés !

Hélas, nous sommes loin de cette motivation et, dans ce climat de crise, de sauve qui peut et de chacun pour soi, l’opinion publique ne fait pas toujours la différence car, ces hold-up légaux exaspèrent ceux qui perdent leur boulot. Les salariés jetés à la rue, précarisés ou menacés se voient durement pénalisés à cause des folies bancaires et boursières commises bien au-dessus de leur tête. Ce qu’il y a de cocasse dans cette attitude c’est que les petits patrons paient pour les grands car lorsqu’il y a sequestration6 c’est toujours les petits qui sont concernés. Même chez les patrons, quand on est petit, on trinque … comme au bas de l’échelle !

Il faudra plus que « Lo Pica Hou7 » pour chasser les sorciers/sorcières du nouveau libéralisme  qui mettent  en péril aussi bien la sécurité des retraités, la stabilité de l’emploi que le principe démocratique lui même8. A moins que les sorciers/sorcières ne l’emportent si l’on en croit l’essayiste Alain Minc9 qui nous assène que Total sera bouffé tout cru par Gazprom à moins que l’Etat ne nationalise la société !  (Cela rappellera quelques souvenirs aux anciens … d’Elf !)

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, la confiance s’est envolée, la colère gronde, les syndicats ont le vent en poupe, à eux (et à quelques autres) de faire en sorte que les gens soient vraiment écoutés et respectés !

Attention toutefois à l’hallali !

A suivre.

1- Présentement, du côté du Capitole (Hôtel des Capitouls), il se dépense beaucoup et dépense beaucoup (2 milliards d’euros d’indemnisations et 15 millions d’euros de dons aux victimes d’AZF).

2- Sud-Ouest Dimanche (18/04/09).

3- Lettre envoyé par la DRH de Shering-Plough France qui vient d’être racheté par Merck.

4- Interview donné par Christophe de Margerie à Challenges  (N°164 du 16/04/09).

5-Emprunté à l’éditorialiste Philippe Val.

6- Je le fus avec mon collègue Jacques lors d’un CE à Lacq pendant lequel les syndicats dits   ouvriers ont séquestré la direction et nous deux !

7-« Lo Pica hou » vieille légende béarnaise qui consiste à effrayer par des chants la sorcière qui profitait des fêtes de Noël pour voler les nouveaux nés !

8-Remarque inspirée par François Morin, ancien membre du Conseil de la Banque de France.

9- « Dix jours qui ébranleront le monde » d’Alain Minc, essayiste, bien en cour auprès de feu le Président Philippe Jaffré et aujourd’hui, proche de l’Elysée.

Lien Permanent pour cet article : https://bregail.com/edito-2009/total-attitude/