Et oui, il faut être « in », alors voici comment le « sictame » s’écrit en « l003 5p34k » (« leet speak »1)comme disent les initiés des « blogs » et du numérique, enfin ceux qui maîtrisent le « net » !
Ils constituent une tribu à part, nourrie à la pizza (plus facile pour continuer à tapoter sur le clavier)et abreuvée de boissons à bulles ou à mousse, qui, mine de rien, ont envahi la société et nos sociétés.
La tribu est composée d’autant de catégories de « geek » qu’il y a d’usages possibles de l’outil
informatique, chacun pouvant être aussi un bout de l’autre !
– le « nerd » associal ne fonctionne que devant un écran,
– le « hardcore gamer » s’éclate dans les jeux en réseau,
– le « pro-gamer » joue en compétitions,
– le « wikiste » est favorable à un internet coopératif,
– le « blogueur » intello ou tendance Fun Radio veut que toute la toile profite de ses états d’âme,
– le ‘hacker’ veut faire sauter les sécurités,
– le « libriste » est prosélyte de Linux et des contenus libres de tous droits.
Et bien, cela existe aussi dans nos entreprises ! Je l’ai vérifié, c’est le « geek d’entreprise » que les nouveaux traités de gestion des ressources humaines s’évertuent à maîtriser car cette sorte de gens est quasiment ingérable. Rien de ce qui les entoure n’a d’importance : d’un côté, cela laisse les mains libres aux RH’s qui peuvent prendre toutes les décisions associales sans rencontrer d’obstacles ; mais d’un autre côté, ces gens qui n’en font qu’à leur tête font fi des règles et des lois de l’entreprise, ce qui forcément déplaît fortement au management. Certes ces hybrides, mi-hommes, mi-machines, dingues de l’informatique, servent leur entreprise par leurs compétences mais leur appétit exclusivement électronique interdit tout rapprochement social.
L’Homo Numéricus n’a que le mot « free » à la bouche, alors comment l’amener à avoir un comportement social du type communautaire ou associatif indispensable à la sécurité et au développement de notre société civile ? En IRL (In Real Life = dans la vie réelle) comme ils disent, ils sont de plus en plus nombreux et ils appartiennent à toutes les catégories sociales, d’où la difficulté de fédérer ce beau monde, enfin notre monde à nous, de tous les jours, d’où la difficulté de faire vivre des structures politiques, associatives, caritatives, syndicales, etc.
Attention il y a danger !
Certes il y a le progrès technologique qui influe sur le comportement sociétal, mais il y aussi les façons de faire de nos RH, nourris à la mamelle de la pensée ultra-libérale d’outre atlantique, qui n’ont de cesse d’isoler de plus en plus leurs collaborateurs, de saborder leurs droits collectifs en individualisant les problèmes, leurs solutions et en cultivant les rancœurs des uns vis-à-vis de l’entreprise et de leurs congénères : rémunération à la tête de pipe, hors protocole, sans aucune lisibilité, attribution cachée et sélective de stocks-options, d’actions gratuites, de primes, etc.
Avant, les « gens » étaient heureux et fiers d’aller bosser dans leur entreprise.
Aujourd’hui, arrivés à l’aube de la quarantaine, ils se demandent quand ils vont bien pouvoir lâcher le morceau, fatigués,non pas par leur travail, mais par les tracasseries comportementales de tous les jours.
Y a plus l’esprit et l’ambiance d’avant qu’ils disent !
Je l’ai déjà dit, je le répète, Mesdames, Messieurs les RH, les managers et responsables de tous poils, politiques y compris, il faut que cela cesse, car jusqu’à quel point n’êtes-vous pas, pour une part, responsables de la production d’individus (nos et vos enfants) perdus, chômeurs, exclus, sous-traitants,stagiaires, … prêts à créer des événements exceptionnels pour se et nous prouver qu’ils vivent2 !
1 leet speak : censément langage de l’élite (leet) qui consiste à remplacer les lettres par des caractères alphanumériques qui leur ressemblent, dans le but de s’identifier en tant que « geek », c’est-à-dire celui qui a la maîtrise de l’outil informatique et de ses dérivés. L’exemple de geek historique le plus fréquemment cité, figure tutélaire de la « geektitude » est Linux Torvalds, créateur du système d’exploitation Linux.
2 « Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir. Il se sent naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre. » Jean de la Bruyère.