SUD OUEST
Usine de Lacq bientôt 50 ans

Un Béarn Jean-Claude Brégail, 64 ans, de Mourenx, ne prétend pas être un pionnier : il n’est entré à l’usine de Lacq qu’en 1965. « Tout au bas de l’échelle, comme cartographe », souligne-t-il. Une drôle d’échelle puisque des lapins étaient son principal instrument de mesure ! Il s’agissait, pour le nouveau service météo créé par la SNPA, ancêtre d’Elf Aquitaine, d’observer les effets des émanations sulfurées de l’usine sur la faune.
« En fait, les lapins ont terminé dans les casseroles des équipes de nuit ».
Pas un pionnier, non, mais Jean-Claude Brégail en a -t-il vécu et tant entendu par les anciens, de ces anecdotes dont il parsème les éditos qu’il signe dans « Les Cahiers du Sictame », l’organe syndical de l’UNSA !
Responsable syndical (CGC), « cadré » _ c’est-à-dire nommé cadre dans le jargon maison _ après être « revenu à l’école » à 40 ans, le retraité est passé par la chimie puis a poursuivi sa carrière dans la statistique et l’informatique. Il s’occupe aujourd’hui du Centre d’information et d’action pour personnes âgées. Bref, comme tant d’ autres, son destin a épousé celui de l’exploitation du gisement et de l’usine de Lacq, dont on fêtera le 1er avril prochain la mise en service.

Test d’embauche. La visite d’embauche lui est restée en mémoire : « On vous enfermait dans une sorte de blockhaus avec une blouse et un masque à gaz, un type lançait deux cartouches de lacrymogène et refermait la porte, pour vous observer par un judas. Si le masque n’était pas trop – »fuyard », bien ajusté, ça allait ». Le masque : l’ustensile qui ne vous quittait jamais où que vous alliez dans l’usine.
Le minot qu’il était a cru débarquer au Texas : « L’usine n’était pas entièrement terminée. On voyait une goudronneuse terminer la route et 50 mètres plus loin un bulldozer qui griffait déjà le bitume pour faire passer une tranchée ».
Quelle ambiance , à la Sainte-Barbe ! C’était la grande fiesta de l’année, au parc du château de Maslacq : « Les ouvriers s’y regroupaient par régions, proposaient leurs plats et leurs meilleurs pinards. Il fallait avoir le foie solide. »
L’essor de l’avion a eu l’heureux effet de démocratiser les transports : « Avec le train, l’ouvrier voyageait en seconde classe, le contremaître en couchette et l’ingénieur en wagon-lit ». De même, observe Jean-Claude Brégail, l’urbanisme mourenxois garde témoignage de l’étagement hiérarchique : aux cadres supérieurs de l’usine de Lacq (autrefois aussi ceux de Péchiney) les hauteurs des coteaux?
Luttes sociales, certes : « On peut remercier les anciens de toutes les avancées qu’ils ont obtenues : de bons salaires, des centres de vacances, etc. Les syndicats étaient très forts, c’était lié à la production : au début des années 60, faire grève à Lacq, ça voulait dire fermer le robinet du gaz pour toute la France ».
Mais les salariés de l’usine avaient beau venir de partout, jamais Jean-Claude Brégail n’a été témoin de conflits en relation quelconque avec l’origine des uns ou des autres.
Surtout, le peu de pépins graves déplorés depuis 1957 le rend admiratif : « On a eu beaucoup de chance, c’est sûr. Mais avec beaucoup de sérieux, et une sécurité au top. ».

Source : Sud Ouest du 08/01/2007

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