Pecunia non olet

Qui ne vous pas encore parlé de la crise économique et financière ? L’édito des Cahiers !

Rattrapons cela, à la manière de l’édito, ce qui n’est pas sans risque et qui, certainement,
laissera des traces…bien que « l’argent n’ait pas d’odeur ».
A preuve, ce dessin :
-non ce n’est pas une dagyde2,
-non, bien que bistre, cette personne n’appartient pas à une minorité visible très en vue actuellement,
-non, bien que très foncée, cette dame n’est pas tombée dans un bac à boue d’un forage pétrolier,
-peut-être est-elle noire de colère parce que ses actions Total sont dans les choux dont elle devra, bientôt, faire son ordinaire avec quelques patates. A moins que, dans la traversée du désert, qui semble se dessiner, nous n’ayons plus que le fruit de l’opuntia3 à nous mettre sous la dent ?
-mais non, mais non, mais non, c’est tout simplement une ‘sictamette’ au sortir de son bain de ‘peloïde’, à Saint Paul Lés Dax et qui s’apprête à affronter de face le marasme du moment ! Et la crise ? Et bien je ne suis pas le mieux placé pour vous en parler, surtout après le remarquable ‘Le Sictame/AVAS vous informe’ et le Dossier UNSA, tous deux dédiés au sujet mais, quand même, quelques mots pour parler d’argent. Enfin, quelques mots alors que le dictionnaire de l’argot ne recense pas moins de 114 mots4 pour désigner ce vocable, cela est une gageure !
J’en était resté au constat suivant : « les caisses sont vides ! » Et pourtant voici, voilà que l’on trouve de l’argent pour aider le capitalisme à se tirer d’affaire. Il est vrai que c’est en quelque sorte de l’argent disons ‘fictif’ car en fait, le gouvernement prête aux banques de l’argent qu’il a lui-même emprunté aux mêmes banques et qu’il n’a pas remboursé !
Bon, il y a une garantie de signature mais, jusqu’à quel point ce système peut-il fonctionner ? Car si le système est relancé, combien y aura-t-il de dommages collatéraux car apparemment, beaucoup d’entreprises ne sont pas pleines aux as5, (ni la majorité des particuliers) dans un contexte généralisé de l’activité aux US, dans la zone € et même dans les pays émergents comme la Chine.
J’espère que l’on ne sera pas obligé de faire la manche6 car rien n’est à l’oeil7!
Mais scrogneugneu, pourquoi cette bulle spéculative ? Parce que le système financier s’est pris les pieds dans le tapis en se déconnectant complètement de la production industrielle et des richesses des pays et ce ne sont pas les carabistouilles 8 des politiques qui nous sauveront car ce n’est pas le moment de barguiner9 pour revenir à des réalités terre à terre.

« Les virtuoses de la finance sont tous des premiers de classe des écoles les plus prestigieuses qui ont bâti un univers où une poule dotée d’un GPS ne retrouverait pas ses œufs. Ces intelligences ont cru bâtir l’intelligence, la seule, la plus abstraite, la plus pure. Hélas pour eux, dans ce merveilleux univers algébrique, il ne manque qu’un détail ; la réalité : des pays, des gens, des bêtes, des nécessités …
Quoi de plus inadapté à la réalité que ces marchés dérivés. La banque de crédit est devenue un monstre aberrant qui dévaste ce qu’elle devait aider à construire. La banque de dépôt qui doit assurer l’inviolabilité de la propriété des déposants est devenue une coquecigrue fil-de-fériste qui fantasme de maîtriser le monde.
Les banques sont pleines de valeurs de rien et les entreprises qui vendent de vraies choses qui nécessitent du crédit pour les acheter crèvent ou licencient car elles n’ont pas le temps de courir après la valeur et il devient pauvre au point de plus pouvoir acheter quelque chose qui, d’ailleurs, n’a plus de prix». Juste pour illustrer ce propos fumeux ou se mettre dans la peau d’un trader, utilisons un logiciel, mis au point par des mathématiciens ingénieux, conçu pour la bourse de New York. Le but ? Faire bouger les prix des actions en temps réel, à l’achat près. Bon, allez, vulgarisons encore … imaginons que nous vendons des billets d’avion avec la même logique que les actions en Bourse. Lorsqu’un avion est vide, la place coûte très cher. Dès qu’une place est vendue, le prix monte. Les dernières places sont hors de prix et les toutes dernières, s’il en reste, sont éventuellement bradées. Ce qui fait que dans l’avion tous les passagers ont le même type de fauteuil mais personne n’a payé le même prix ! Voilà la démonstration, inspiré d’articles de Philippe Val, que le bénéfice est plus important que l’être humain, lequel n’est qu’un problème juridique en cas d’accident … allez, passez, il n’y a plus rien à voir.

Et, comment refonder le système, comment moraliser le capitalisme financier ?
Dans le Petit Robert 2008, refonder c’est : fonder un parti, une doctrine sur de nouveaux principes, de nouvelles bases. Comment, après avoir été les chantres de la dérégulation, de la déréglementation, du recul de l’Etat, de la baisse des impôts, de la revalorisation du travail individuel, de la rémunération individualisée, voulez-vous que les libéraux pensent vraiment changer les principes et les bases du capitalisme ? Après avoir vilipendé l’Etat, voici que les libéraux le vantent, le pressent et le pillent pour aider le capitalisme aussi, comment accepter que l’Etat verse, sans contrôle, 60 milliards d’euros aux entreprises ? Ne faudrait-il pas mettre des sirdars 10 dans tous les coins ?
Ou alors, faut-il comme le note l’éditorialiste Jean-Claude Guillebaud, redécouvrir les articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui concernent ce qu’on appelle les « droits économiques et sociaux »? L’article 25 stipule que « Toute personne a droit à un niveau suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaire ». Un peu plus loin, le même article stipule que « toute personne a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, de vieillesse ».
Quant à l’article 26 il proclame le droit à l’éducation « qui doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental ».
A vous de voir.

A suivre.

La publication de la caricature est autorisée Caric’Artists pour les Cahiers du Sictame.

1-« Pecunia non olet »
En 70avant JC, l’empereur Vespasien, qui avait besoin, comme en ce moment, de renflouer les caisses (et qui, lui, ne pouvait pas taxer les placements financiers), imagina de dresser un impôt sur les urines d’animaux utilisées par les tanneurs pour dégraisser les peaux. Son fils Titus s’étant moqué du ridicule de cet impôt, il lui mit une pièce de monnaie sous le nez en disant « non olet » (ça ne sent pas). L’expression a fait florès sous la forme « l’argent n’a pas d’odeur ». (extrait du Journal du Syndicat-Unifié/UNSA).

2-Dagyde : nom savant d’une poupée maléfique dans la sorcellerie occidentale … vous savez, le type de poupée qui, dénoncée par la plus haute autorité de l’état est passée en justice ! Marrant, quoique je reconnais volontiers que l’idée qu’un olibrius vous larde de coups d’épingle, fût-ce par poupée interposée, n’a rien de particulièrement sympathique. (extrait d’un article d’Anne Pourillou-Journiac dans Sud-Ouest).

3-Opuntia : appelé plus communément figuier de barbarie ou encore nopal, est en fait un cactus mexicain. La figue de barbarie est employée depuis des siècles dans la pharmacopée locale.

4-Argent : Temps jadis, on ne parlait en famille ni de sexe ni d’argent. L’argot, qui permet le secret des conversations dans certains milieux [voyous, marginaux, carabins, bouchers (louchebem), etc.] était un moyen de contourner cette obligation de silence. Il est frappant de constater qu’une majorité de ces mots ont un rapport avec la nourriture : le blé (qui rappelle le pain), la beurre, la blanquette, le cresson (si difficile à cultiver), le trèfle, l’aspine (une variété d’épinard), l’oseille, le radis, l’artiche (qui vient d’artichaut), la galette, le pognon (qui était autrefois un petit pain à Grenoble et une galette à Lyon), le biscuit, le fric (qui vient de fricot = ragoût) et qui a donné aussi fric-frac (fracturer un coffre) ou fricoter (se livrer à des activités louches). Plus indirectement, on parle aussi de la braise qui chauffe la galtouse (une gamelle). Peut être chauffe-t-on avec du carbi (charbon) ou avec du carbure (déformation de carburant).
Mais, il y a bien d’autres manières populaires d’en parler ! Les billets sont des fafiots, des talbins ou des biftons (M.Audiard plaçait souvent ce terme dans la bouche de Belmondo ou Gabin …). Les pièces sont des ronds, des balles, du pèze (influence espagnole ; pesette), du flouze (en arabe flus=argent), du grisbi (en Angleterre, crisby=argent), du fifrelin (en Allemagne, pfilferfing=petite monnaie), des kopecks (en Russie, c’est le centième du rouble), des pépettes (pépites d’or), des picaillons (du provençal piquar=pièces de cuivre). Nous parlons aujourd’hui de thune et de maille. Thune n’est pas un souvenir du roi Thunes de Tunis ni la survivance du nom du roi des gueux de la cour des miracles à Paris, mais un mot très ancien signifiant autrefois : aumône. Quant à maille c’était au moyen âge une monnaie, valant un demi denier, la plus petite qui puisse exister.
Bon allez, stop, et si vous contestez, de toute façon je n’aurai pas maille à partir avec vous ! (partir voulait dire partager donc partir une maille c’est comme vouloir partager une pièce d’un centime d’euro, donc vouloir partager l’impartageable et s’agissant d’argent, forcément se disputer !)

5-Plein aux as : Dans l’antiquité romaine, un as était une petite pièce en cuivre de peu de valeur. Lorsqu’on avait une grosse somme sous forme d’as, on en remplissait des chariots de pièces. On était donc ‘pleins aux as’ !

6-Faire la manche : au Moyen-âge, les gentes dames offraient une manche de leur habit au chevalier qui se battait pour elles dans les tournois (Plus tard, une chanteuse offrira sa petite culotte à ses fans !). Comme c’était un cadeau fait lors d’un spectacle, les saltimbanques s’en emparèrent et donnèrent au mot manche le sens de quête. C’est pourquoi, aujourd’hui, les chanteurs de rues, les cracheurs de feu ‘font la manche’ en échange de leurs prestations. Cette expression ne peut pas s’appliquer à ceux qui réclament de l’argent dans la rue, le métro, le RER, sans fournir de spectacle.

7– A l’œil : au XVIIIème siècle, on ne pouvait payer à crédit que si l’on avait belle apparence, mine avenante et riche habillement ? C’était à l’œil que le créancier se faisait une opinion sur la chance qu’il avait de récupérer son fonds. Il a sans doute suffi que quelques malins ne rendent jamais le radis prêté pour que « à l’œil » prenne la signification de gratuité !

8-Carambistouilles : propos anodins et trompeurs, fariboles, bêtises.

9-Barguiner : ce mot s’emploie lorsqu’on hésite « Allons-y, ne barguinons pas ».

10-Sirdar : militaire anglais ayant commandé en Egypte

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