Les intérêts économiques


Saint-Marcet a été le point de départ d’une vocation pétrolière de Boussens qui s’est poursuivie et enrichie jusqu’à nos jours à travers ELF et TOTAL. Ce fut vraiment une révolution dans cette région du Comminges par l’activité et l’essor économique que la Régie Autonome des Pétroles apporta malgré la guerre, et par la sécurité qu’elle assura pour beaucoup d’hommes jeunes.

En 1939, le Gisement de Gaz naturel de Saint-Marcet est  découvert !

En 1941, la décision est prise d’exploiter ce gisement pétrolier qui produira environ :

  • 7 milliards de mètres cubes de gaz et,
  • 610.000 tonnes de gazoline.

La R.A.P. sera la salvatrice de la région «commingeoise’. Elle aidera au développement régional et sera  à l’origine du développement pétrolier qui essaimera dans le monde entier.

a) La R.A.P sera à la base de l’émergence de nouvelles entreprises telles :

– Société des Matériels de Forage créée avec l’Arsenal de Tarbes, la R.A.P. pour fabriquer les matériels dont l’achat est, du fait de la guerre, impossible à l’étranger,

– FOREX, créée le 2 août 1942 et qui est son “contracteur” pour certains forages [c’est avec un appareil allemand WIRTH acheté dans la région parisienne, couplé à une chaudière récupérée, à Tarbes, sur une locomotive à vapeur que la Forex signe son premier contrat avec la R.A.P. à Saint-Marcet. Elle fora 5 à 6 puits dont  Proupriary. (réf : Amicale des Foreurs.)]

– S.N.G.S.O. (Société nationale des Gaz du Sud Ouest) créée en 1945 pour transporter   le gaz naturel de la R.A.P. (Saint-Marcet) et plus tard celui de la S.N.P.A. (Lacq).

Au début, la distribution des produits pétroliers se faisait par route ou rail, pour l’améliorer, il faut passer au pipe-line.

C’est un formidable chantier qui a occupé beaucoup de main d’œuvre locale et qui a transformé, bouleversé l’économie locale et régionale.

  • le premier pipe-line a été mis en service le 11 novembre 1942 entre Peyrouzet et Toulouse (dès 1942, les chaudières de l’O.N.I.A. fonctionnent au gaz de Saint-Marcet). En 1947, il sera doublé  à partir de Boussens.
  • dans l’autre sens, Tarbes et Saint-Girons ont été desservis en 1945 et Pau en décembre 1946.
  • puis Lourdes et Pierrefitte en mai 1947 et Longages et Pamiers en octobre 1947.
  • Bayonne est laissé de côté car, il y a une grande usine à gaz de houille.
  • la priorité est donnée au pipe-line Toulouse-Bordeaux qui sera construit de mai 1948 à mars 1949.

Enfin, l’arrivée du gaz de Saint-Marcet dans les grandes villes apporte un nouveau confort épaulé par la structuration d’un réseau de distribution et de vente d’appareils ménagers.

– C.F.R. qui construit l’usine de dégazolinage de Peyrouzet, pour produire du gaz sec commercialisable à partir des réseaux de transports et de distribution. Elle opérera pour la R.A.P. A signaler que, pendant la guerre, Peyrouzet fabriquait du “carbon black”. Cette poudre de  noir de carbone qui incorporée au caoutchouc augmente les qualités de résistance de celui-ci à l’abrasion.

– l’U.D.B. (Usine de Dégazolinage de Boussens), devant le succès du gaz de Saint-Marcet, l’usine de Peyrouzet est devenue trop petite, il faut passer à des quantités de traitement supérieures d’où la construction de l’U.D.B. Les installations techniques de l’U.D.B. sont situées à Boussens :

  • en bordure de la nationale 125, Saint-Gaudens Toulouse,
  • en bordure de la route de Salies du Salat et,
  • en bordure du canal de Saint-Martory.

Les bureaux, cantine, vestiaires et les installations de Conditionnement et chargement du Gaz butane (A.G.P.) sont bordées par la route de Salies du Salat, le canal de Saint-Martory et la voie de chemin de fer en bord de Garonne.

b) La R.A.P. impactera la vie de nombreuses personnes et tout le secteur tertiaire

Dès le début des travaux, les agents de maîtrise alsaciens côtoient une main d’œuvre locale formée de nombreux agriculteurs, embauchés dans des postes de manœuvres et de manutentionnaires et une main d’œuvre d’expatriés composée des  réfugiés républicains espagnols. Malgré l’expérience acquise par les équipes en provenance de Pechelbronn ; il est nécessaire de former le personnel. Une collaboration étroite avec la Société Chérifienne des pétroles permet de passer les périodes difficiles des démarrages. Cette société met au service de la R.A.P. des techniciens qualifiés et accepte de prendre dans ses équipes le personnel nouveau, engagé en France, pour assurer sa formation.

Dès 1944, la Régie créé sa propre formation : une école de maîtres-sondeurs à Latoue. Une première promotion de 10 maîtres-sondeurs sort dès 1945 (voir annexe). A partir de 1969, toutes les formations seront regroupées à Boussens.

Avec Saint-Marcet en production et l’activité de la R.A.P., l’impact sur l’économie régionale est majeur.

Le gaz de Saint-Marcet est composé essentiellement par du méthane (CH4) auquel viennent s’ajouter d’autres hydrocarbures saturés : éthane, propane, butane, pentane, hexane et homologues supérieurs. Il renferme en outre, un peu d’azote ainsi que des traces d’eau. L’absence de soufre rend son transport aisé par des canalisations métalliques dont le métal ne subira aucune attaque (contrairement aux canalisations qui véhiculent le gaz humide et acide de Lacq). Le pouvoir calorifique du gaz est voisin de 9.500 calories, soit environ deux fois et demi celui du gaz de ville.

Le gaz de Saint-Marcet est traité dans une installation de dégazolinage qui a pour but de transformer les gaz humides en gaz secs par élimination des parties condensables. L’installation de Peyrouzet a été réalisée en 1942. L’impossibilité de se procurer, à cette époque, le matériel nécessaire auprès des constructeurs français ou étrangers a fait confier le dégazolinage à la Compagnie Française de raffinage (C.F.R.) dont les raffineries arrêtées du fait de la guerre, possédaient du matériel disponible et un personnel spécialisé inoccupé. La C.F.R. opère ainsi pour le compte de la R.A.P. le traitement du gaz et la vente des produits liquides recueillis dans cette opération.

Le gaz de Saint-Marcet est utilisé par l’industrie chimique :

  • la fabrication de l’hydrogène en partant du méthane intéresse l’Office National des Industries de l’Azote à Toulouse [O.N.I.A qui deviendra A.Z.F. (AZote Fertilisants).

Le gaz de Saint-Marcet est utilisé:

  • soit comme combustible pour les chaudières à vapeur de l’O.N.I.A., les fours Martin (fonderie et laminoirs) de la Société des Hauts Fourneaux de la Chiers à Toulouse et, les chaudières de la C.F.R. de Boussens. Il est servi à la clientèle, compressé à 250/300 kg/cm2 dans des stations de compressions de Toulouse, Peyrouzet, Boussens, Saint-Gaudens, Tarbes, et dans toutes les villes desservies par un pipe-line et porté à la clientèle par la Société de Distribution de Gaz du Comminges. (Cela ne va pas sans quelques modifications des brûleurs puisque le gaz de ville a un pouvoir calorifique voisin de 4.000 calories soit moitié moins que celui de Saint-Marcet.)
  • soit comme matière première de la fabrication du gaz de ville dans des usines à gaz car le charbon s’est fait rare après la 1ére guerre mondiale. Ce qui est fait par la S.L.E.E. à Toulouse (Société Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage créée en 1880 et qui est l’ancêtre de la Lyonnaise des Eaux) et à Saint-Gaudens par la Compagnie Nouvelle d’Eclairage (C.N.E.) avant de se transformer en  l’U.P.E (Union Pyrénéenne d’Electricité) qui amènera l’électricité.
  • soit directement comme gaz d’éclairage. En décembre 1943, le gaz naturel arrive à Saint-Gaudens et remplace le gaz manufacturé de l’usine à gaz pour alimenter les becs à gaz éclairant les rues de la ville. L’usine à gaz fournissait la ville depuis le 25 novembre 1881 (elle alimentait 122 becs d’éclairage), la ville de Toulouse était équipée depuis 1839 !
  • soit comme carburant automobile. Le gaz comprimé a été mis à la disposition du public en 1942. Son emploi s’est développé de façon rapide et deux ans après, en France, environ 22.000 voitures roulaient au gaz dont 7.000 au gaz naturel. Dans la région toulousaine, livré par la Société Pétrogaz de Toulouse, en bouteilles de 50 litres chargées à la pression de 150/200 kilos qui permet à une voiture de rouler 300 km. En 1942, vingt deux mille véhicules automobiles étaient, en France,  équipés au gaz et 7.000 utilisent le gaz naturel. La plupart de ces véhicules sont concentrés à proximité du gisement de Saint-Marcet et dans le département de la Haute-Garonne. Dès 1941, la municipalité de Saint-Gaudens confrontée au problème du ravitaillement pétrolier, décide d’équiper sa camionnette municipale au gaz de Saint-Marcet.

[Depuis 1946, la station Denis-Fages de Saint-Girons vend du GNV (Gaz Naturel Véhicule). L’histoire raconte que, en pleine guerre, le carburant était affecté aux troupes allemandes, les véhicules étaient transformés pour fonctionner au gaz, combustible abondant dans la région puisque approvisionné par Saint-Marcet et Lacq. Les autos étaient ravitaillées en cascade avec des camions semi-remorques chargés de 220 bouteilles en acier de 50 litres. Les ventes de cette petite station de compression ont été importantes, jusqu’à 80.000 m3/mois en 1946 pour alimenter les Jeeps, GMC et les industries locales.

La station a été raccordée au G.S.O. et en 1978, 300 véhicules des environs de Saint-Girons venaient encore s’y alimenter.]

Un service de gaz portés : La C.F.R ou plus exactement la Société de Distribution de Gaz du Comminges sert la clientèle par route avec une flotte de 40 camions qui livrent du gaz et par rail avec 21 wagons spéciaux (Ces wagons, laissés par les allemands étaient utilisés pour transporter l’hélium nécessaire aux ballons de barrage du «Mur de l’Atlantique’. Chaque bouteille Zeppelin avaient les caractéristiques suivantes : longueur 10 mètres, poids 2.650 kg, volume 1.250 litres). Les bouteilles à haute pression installées sur ces camions ou wagons jouent un rôle analogue à celui des citernes d’essence pour les véhiculent à moteurs à explosions.

Et le gaz de Saint-Marcet a même servi à alimenter le phare de l’île d’Harbour dans les Côtes d’Armor en Bretagne !

L’essence de Saint-Marcet est dans les stations service. En 1949, l’essence de Saint-Marcet était distribuée par, entre autres, une station R.A.P. située devant l’entrée de la R.A.P. face aux Grans Bureaux à Boussens et une autre station R.A.P. située à Billère, près de Pau.

De Peyrouzet, l’essence stabilisée produite est portée par camions–citernes pour aller vers les points de distribution et le pétrole brut est amené par pipe-line du chantier de Saint-Marcet à la gare de Saint-Gaudens puis, en wagons-citernes, à la raffinerie de Frontignan.

Et, pour la petite histoire, en 1974, un super pétrolier sera baptisé «Saint-Marcet’. Le super pétrolier de 277.000 tonnes « Saint-Marcet » dont la marraine est Mme André Bouillot, a été livré par les chantiers Sumitomo le 16 janvier à la Japan Line qui l’a mis aussitôt à la disposition d’Elf Union. Elf était représentée par MM. Bouillot, R.H Levy, Bonnet de la Tour et Jullien. Le navire a appareillé le 17 janvier pour le Golfe Persique où il a effectué son premier chargement de pétrole brut ; ayant quitté Rastunara le 3 février il est arrivé au Havre le 3 mars. (Echos Elf Aquitaine n°29).

c) L’économie locale a fait un bond en avant

Avec un afflux considérable de main d’œuvre nécessaire à ses chantiers et de plus faisant, pendant l’occupation, œuvre patriotique, la R.A.P. a embauché beaucoup de gens pour leur éviter le S.T.O. (Service de Travail Obligatoire en Allemagne).

En offrant à tous ces gens des emplois de qualité, la vie locale a évolué très vite.

Les infrastructures ont été modernisées, des écoles ont été implantées, les réseaux de transports améliorés, les réseaux de santé accessibles, l’artisanat rénové et les gens ont gagné en qualité de vie. Ce bond économique s’est fait sentir jusqu’à Toulouse dont l’aéroport a connu un trafic accru avec les pétroliers qu’il fallait amener en expatriation et notamment vers le Sahara.

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