Je reviens d’Amérique
par J.H. de Vries. DG de la R.A.P.

« Notre ordre de mission ayant été demandé en novembre 1944, nous ne pûmes partir qu’en mars 1945.

Notre mission avait plusieurs buts :

  • obtenir des autorités et fournisseurs américains du matériel de forage pour les sociétés françaises engagées dans les recherches.
  • se rendre compte de l’évolution des techniques américaines sur : forage, exploitation, transport et utilisation du gaz naturel. »

A cette époque où la campagne d’Allemagne n’était pas encore entrée dans sa phase décisive, les mouvements de bateaux étaient soigneusement dissimulés par les amirautés alliées.

Après quelques jours passés au Havre qui vivait dans les ruines, c’est le départ à 5 heures du matin après vérification des papiers et, visite médicale par un médecin américain très strict sur les nombreuses vaccinations. Le camion nous amène aux docks flottants qui remplacent les quais détruits par les bombardements et nous montons à bord d’un paquebot de 20.000 tonnes, autrefois réservé aux croisières et qui maintenant déverse de ses flancs des contingents de soldats américains. Des couchettes rabattables mais incroyable, le “Brazil” avait conservé sa salle à manger et ses stewards. Après une halte à Southampton pour charger des blessés, des convalescents et des permissionnaires, 56 navires, dont le notre,  voguent de conserve vers le sud-ouest.

Pendant 12 jours, le convoi suivit sa marche régulière sur 6 rangs et en file de 9 avec sur ses flancs les chiens de garde, chasseurs rapides de sous-marins.

Arrivée à New-York où, à partir du bateau-phare d’Ambroise, à l’entrée de la rivière Hudson, dans le chenal étroit balisé par des bouées sonores, ce fut un croisement ininterrompu de pétroliers et de “Liberty Ships” allant en Europe alimenter un monde en armes.

L’Amérique fit, en cette période un effort considérable :

  • la production de pétrole passa de 3.800.000 à 5.000.000 de barils/jour entre l’entrée en guerre des US et le jour de la victoire finale,
  • le gaz naturel est passé de 235 millions m3/jour à 315 pendant la même période soit 30% d’augmentation,
  • au Texas, des usines de dégazolinage sont capables de traiter 15.000.000 de m3/jour soit 50 fois la production de Peyrouzet,
  • deux pipes-lines, l’un pour le brut, l’autre pour les produits finis, furent construit entre le Texas et l’état de New-York. Il a fallu utiliser 645.000 tonnes d’acier pour construire les 2.400 km en 16 mois,
  • gros boum sur l’essence d’aviation ; ¼ de l’essence produite aux US était réservé aux avions.

Et la mission ?

Au point de vue des techniques :

  • rien de bien neuf depuis 1939 mais une évolution très marquée vers l’économie des matières et du temps,
  • la vapeur laisse de plus en plus place aux moteurs à explosions sur les installations,
  • un très grand soin est apporté à l’emploi judicieux de la boue de forage,
  • les trépans à molettes se généralisent même dans les formations tendres,
  • les vitesses de rotation ont été augmentées et les opérations de cimentation perfectionnées,

En matière d’exploitation, grande simplification dans les appareillages d’éruption, un recours de plus en plus marqué aux dispositifs automatiques  et un développement très poussé vers la re-compression des gisements :

  • soit pour conserver le gaz,
  • soit pour augmenter la récupération totale de pétrole,
  • soit pour reprendre des gisements abandonnés,

Au point de vue matériel, de grands progrès ont été réalisés dans la qualité des pièces d’usure telles que chaînes, chemises et soupapes de pompes.

Du matériel a été commandé et d’autres commandes sont en instance à New-York.

(extrait du Bulletin de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945)

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